le Français Guillaume Faury pour succéder à Tom Enders

15/03/2018

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L'actuel patron des avions Airbus est en pole position pour devenir le patron du groupe.

À près d'un an de la fin du second mandat de Tom Enders, président exécutif (CEO) d'Airbus, le conseil d'administration est à la manœuvre afin d'aboutir à «une succession organisée et maîtrisée». Il a identifié des profils en interne. Il a aussi donné mandat au chasseur de têtes Spencer Stuart d'auditer des profils de dirigeants européens. 

De très bonnes sources, un large consensus émerge en faveur de la nomination d'un Français pour succéder à Tom Enders. Selon le scénario privilégié à ce stade, ce haut cadre devra avoir les compétences et une bonne connaissance de l'aéronautique ou d'industries connexes. Proposer un Français au poste de CEO d'Airbus aura des conséquences sur la gouvernance et la composition du conseil d'administration. «La succession de Tom offre une opportunité formidable de régler les derniers problèmes de gouvernance», confie un observateur averti. Le conseil étudie une nouvelle simplification, qui passe par la fusion du poste de CEO avec celui de président d'Airbus Aviation Commerciale (AAC) et la création d'une direction des ventes unique, ayant compétence sur les avions civils et militaires, les hélicos, les satellites et les armements. Le futur CEO serait secondé par des directeurs généraux. 

«Denis Ranque fera ce que son sens du devoir lui impose. Il a accepté ce poste en 2013 pour servir Airbus et ses intérêts. S'il doit s'effacer, il le fera»

Un proche de l'actuel président du conseil

La nomination d'un CEO français «poserait aussi la question de maintenir l'équilibre entre les deux grands pays fondateurs d'Airbus. Une des solutions serait de remplacer l'actuel président du conseil, Denis Ranque, par un Allemand, après une période de transition», explique une bonne source. De par ses statuts, le groupe a l'obligation d'équilibrer les nationalités au sein du conseil et du comité exécutif afin que ces derniers reflètent la diversité de ses implantations. Denis Ranque, dont le mandat échoit en 2020, pourrait céder sa place plus tôt que prévu. «Il fera ce que son sens du devoir lui impose. Il a accepté ce poste en 2013 pour servir Airbus et ses intérêts. S'il doit s'effacer, il le fera», confie un de ses proches. 

Pour piloter Airbus, Spencer Stuart a notamment identifié Alexandre de Juniac, directeur général de l'Association internationale du transport aérien, ex-patron d'Air France et de la branche systèmes aériens de Thales. Sur la liste interne, figure, en pole position, Guillaume Faury, nommé à la présidence d'AAC fin février, qui bénéficie de l'appui des pouvoirs publics français. «Nous avons identifié Guillaume depuis longtemps, comme successeur potentiel. Il est en charge de 75 % du business d'Airbus et a vocation à être le CEO», explique un proche du conseil. 

Selon ses soutiens, Guillaume Faury (X-ISAE) coche toutes les cases. Il connaît le business, il a piloté Airbus Helicopters entre 2013 et février 2018, a acquis une expérience dans l'automobile à la tête de l'innovation de PSA Peugeot Citroën. À 50 ans, qu'il a fêtés le 22 février, il représente «la nouvelle génération de dirigeants». Enfin, il ne présente aucun risque au regard des enquêtes pour corruption potentielle, menées par la justice britannique et française depuis 2016. Il travaillait chez PSA pendant la période, entre 2009 et 2013, où des «irrégularités» sur des contrats ont été détectées. 

Une nouvelle génération de dirigeants

«Le conseil travaille afin de mettre l'entreprise en situation d'obtenir le bénéfice d'un accord avec la justice, au prix d'une lourde amende, mais en évitant une condamnation qui lui fermerait l'accès aux marchés publics dans le monde entier», explique un connaisseur de ces questions. Airbus a étudié le cas Rolls Royce, qui a mis un terme définitif à une affaire de corruption en payant une amende de 763 millions d'euros. «Rolls Royce a donné des gages à la justice en se séparant de dirigeants qui ont été impliqués dans des malversations ou qui, de par leur fonction, auraient dû les connaître. Airbus aussi doit tourner la page», développe un avocat. «Dans un an, Guillaume, qui a réalisé un bon départ chez Airbus, sera prêt», résume un haut cadre. 

Tom Enders, qui a mis en orbite Guillaume Faury, veut exercer son pouvoir de CEO jusqu'au dernier jour. «Il estime que des signaux positifs lui ont été envoyés», selon un proche. La ministre allemande de l'Économie a déclaré que «l'Allemagne ne s'opposerait pas à la nomination d'un Français au poste de Tom Enders, à l'échéance de son mandat en avril 2019». Emmanuel Macron et Angela Merkel ont appelé au maintien d'un certain équilibre franco-allemand et à la promotion «des meilleurs» pour piloter cette entreprise stratégique. S'ils surveillent le processus, la France, l'Allemagne et Espagne (26 % du capital ensemble) ne peuvent intervenir, n'ayant pas de représentants au conseil. Mais ils ont de l'influence et votent au cours des AG. 

Paris et Berlin n'ont pas l'intention de revenir sur la gouvernance négociée en 2012, ni sur le subtil équilibre franco-allemand. Un des candidats au poste de CEO dont le profil a été audité, Thierry Breton, actuel PDG d'Atos, «s'est placé en porte-à-faux lorsqu'il a suggéré, en haut lieu, de fusionner le poste de président et de CEO pour devenir PDG d'Airbus, affirme une source proche du dossier, mais ce n'est pas possible».